Il n'y avait jamais eu de cas d'épilepsie dans ma famille et c'est ma mère qui a dû m'étendre sur le sol alors que j'avais perdu conscience et que mon corps, encore debout, valsait. Paniquée, ma mère avait appelé la police qui lui a proposé après une dizaine de minutes d'attente d'appeler une ambulance.
Mon petit frère, 16ans, n'était pas du tout impressionné par mon état puisqu'il avait suivi des cours d'ambulance St-Jean avec les cadets de la marine. Il est tout simplement retourné dans le salon avec son ami pour jouer son tour au monopoly.
Quand les ambulanciers sont arrivés, ils ont attendu encore quelques minutes que ma crise passe. Je me souviens encore m'être réveillée et tout était en noir et blanc comme dans mes rêves. Je voulais me relever mais on m'a repoussé au sol au cas où je recommencerais ma crise. C'est à ce moment-là que j'ai réalisé que je ne rêvais pas. J'avais un mal de tête incroyable et j'ai demandé à ma mère qu'on me permette de me lever debout pour soulager ma migraine. On m'a ensuite demandé de m'allonger à nouveau mais dans la civière et on m'a amener à l'hôpital.
Il y avait au moins huit ou dix personnes autour de moi quand on m'a installé dans un lit aux urgences. On m'a donné un piton d'alarme au cas où je sentirais venir une autre crise puis ils sont retournés à leur ouvrage. C'est à ce moment que j'ai vu les yeux de ma mère. Des yeux de mort!!!
Aujourd'hui je peux comprendre son inquiétude mais à l'époque j'avais bien l'intention de lui prouver à elle et au monde entier que je n'étais pas aussi condamnée qu'on me laissait entrevoir. J'ai vécu le rejet de la société parce qu'on ne me faisait plus confiance pour garder des enfants, que les profs d'éducation physique avaient peur que je coule à l'eau durant mon cours de canot dans la piscine au secondaire et que mon médecin n'était pas sûre de contrôler complètement mes crises un jour...
J'ai dû cacher mon état de santé quelques années pour avoir la même chance que les autres. On est pourtant au XXIeme siècle et on craint encore l'épilepsie comme les sorcières au Moyen-Âge...
Même aujourd'hui, je crée un malaise quand je raconte avoir fait une crise d'épilepsie à l'adolescence. Tout de suite, j'ajoute que je suis complètement guérie parce que je ne prends plus de médication depuis plus de dix ans. Vraiment, notre société a encore du chemin à faire avant d'accepter l'épilepsie comme étant une maladie comme les autres.